Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/39

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avait un instant tenu tête aux armées républicaines, avait succombé sous le nombre, et payait alors par les derniers désastres l’héroïque et inutile effort qu’elle avait tenté. Mon père, de retour à Staines, s’y arrangea une vie paisible et occupée. Son éducation littéraire avait été assez incomplète ; il la refit tout entière et reprit l’étude du latin qu’il n’avait pas poussée bien avant. Il se mit à lire avec un plaisir inattendu tous les auteurs classiques. Un latiniste était chose rare dans la société de Staines ; la duchesse de Mortemart, avec laquelle mon père était particulièrement lié, le pria de faire part de son beau savoir à ses fils pour lesquels elle ne pouvait payer un précepteur. Il y avait là d’autres enfants à peu près du même âge ; les fils du prince de Beauvau, et celui de son ami M. d’Aramon. Mon père devint plus ou moins leur maître d’études. Tous ont conservé de ses leçons et de ses bontés pour eux un excellent souvenir.

Mon père, lorsqu’il avait reçu un peu d’argent de ses parents, allait parfois passer une partie de la saison à Londres. Il y fréquentait les salons de la meilleure société anglaise, toujours très-empressée à faire bon accueil aux émigrés. C’était la mode. Il y avait à la fois de la sympathie pour la cause, une compassion véritable pour ces victimes de la démagogie révolutionnaire, parfois aussi un peu d’ostentation dans la façon dont s’exerçait cette large hospitalité. Lord