Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/38

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de sa poche et de la poser allumée sur la cheminée. Il y avait à tout cela un peu d’affectation, mais aussi quelque sérieux. Ce qui était parfaitement vrai, c’était le besoin de vivre en commun, de se soutenir les uns les autres ; de parler ensemble de cette redoutable révolution qu’on avait d’abord si fort dédaignée et des dangers qu’elle faisait alors courir à des êtres bien chers dont on ne recevait plus de nouvelles.

En 1795, mon père s’embarqua à l’île de Wight, par ordre du duc d’Harcourt, sur un des bâtiments de l’escadre anglaise que commandait l’amiral Warren ; — l’amiral devait aller croiser sur les côtes de France et tâcher de se mettre en rapport avec les insurgés de l’ouest et du nord de la France. Mon père était chargé de rendre compte au duc d’Harcourt des opérations de l’amiral. On s’approcha autant qu’on put du rivage ; aucun des signaux sur lesquels on avait compté ne se fit apercevoir. L’amiral envoya quelques hommes à terre avec des drapeaux blancs, qui pouvaient passer à volonté pour des signaux de parlementaires, ou pour des emblèmes de contre-révolution. Les populations devant lesquelles on les agitait regardaient de loin et s’enfuyaient quand on faisait mine d’approcher. Les douaniers répondaient seuls en tirant quelques coups de fusils à distance. Il était évident que le but de l’expédition ne pouvait être atteint. L’escadre anglaise rentra à Southampton ; c’était un dernier espoir déçu. La Vendée, qui