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LUDWIG VAN BEETHOVEN

avait coutume d’écrire ou de débiter avec la plus grande emphase pour l’étonnement du lecteur ou de l’auditeur, et dont il riait ensuite, dans l’intimité. En tout cas, si tel était son sentiment en 1852, il professait, vingt ans plus tard, l’opinion diamétralement opposée, quand nous eûmes l’honneur de vivre auprès de lui à Weimar, et qu’il émettait devant nous de si judicieuses remarques au sujet des trois Beethoven : l’enfant, l’homme et le dieu. Nul critique sérieux ne voudra donc attacher au document en question plus d’importance qu’aux dogmatiques déclamations des wagnérisants, édictant, aux environs de l’année 1890, l’absolue identité artistique de Parsifal, Tannhaüser et… Rienzi.

Il paraît certain que la carrière de tout artiste créateur dont la vie atteint une durée normale se divise en trois périodes diversifiées entre elles par le caractère des œuvres : imitation, transition, réflexion.

Dans la première période, après avoir étudié plus ou moins longuement les règles et procédés traditionnels du métier, l’artiste imitera… À cette loi n’a échappé aucun des grands pionniers de la poésie, de la peinture ou de la musique, pas plus un Alighieri qu’un Molière, pas plus un Gozzoli qu’un Rembrandt, pas plus un Bach qu’un Wagner. Devant elle tombe la trop commode théorie des génies autodidactes, théorie dont, il faut l’avouer, l’histoire de l’Art n’offre pas d’exemple.

Après cette période d’imitation dont la durée est variable selon les producteurs (chez Beethoven, elle occupe huit ans de sa vie), le jeune artiste se libérera peu à peu des lisières d’antan. Il cherchera à