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LUDWIG VAN BEETHOVEN

lui offrir à cette occasion le fruit de son immense méditation sur le Saint-Sacrifice. Mais quatre ans se passent avant que la tâche ne soit accomplie. Quatre ans de pauvreté pendant lesquels « il immole à son art toutes les misères de la vie quotidienne ». — « Ô Dieu par-dessus tout », écrit-il, « car la Providence sait pourquoi Elle dispense aux hommes joies et douleurs. » Dieu permit en effet que le gage d’amitié devînt pour le grand homme une source de profit. Toutes les cours de l’Europe furent invitées à souscrire à un exemplaire manuscrit de la Messe. Sur dix exemplaires souscrits, trois le furent par des musiciens, les princes Radziwill et Galitzin et les membres de la Société Sainte-Cécile de Francfort. Le roi de France avait bien fait les choses ; il avait envoyé les 50 ducats de la souscription, pris sur ses Menus Plaisirs, en y joignant, avec une lettre flatteuse, une médaille en or à son effigie avec ces mots gravés : Le Roi à M. Beethoven[1]. Beethoven, très fier de ce témoignage, en fit reproduire la gravure qu’il plaça dans sa chambre, et il chargea son ami Bernard de publier dans son journal « comment il avait trouvé là un prince de sentiments généreux et délicats ».

Pourquoi donc n’avait-il demandé aucune souscrip-

  1. Au sujet de la lettre d’envoi il importe de relever une erreur commise à l’unanimité par les biographes de Beethoven, tant allemands que français. Le plus récent, le Dr Riemann, s’y est lui-même laissé prendre dans sa dernière publication des travaux de Thayer. On fait signer la lettre royale par un certain gentilhomme de la Chambre. Ferdinand d’Achâtz, ou d’Achâle… personnage totalement inconnu dans l’histoire de la Chancellerie française. Il eût cependant suffi, pour éviter cette bévue, de prendre connaissance du document original au bas duquel la signature : Le duc de la Châtre, s’étale très lisiblement et en caractères bien français. Comme quoi l’histoire écrite d’après des fiches ou sur des compilations risque de n’être pas toujours très fidèle…