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LUDWIG VAN BEETHOVEN

morale de Beethoven à ce moment de sa vie. — Il est arrivé à sa quarante-cinquième année sans avoir trouvé l’âme féminine qui aurait pu donner à sa vie d’isolé les adoucissements de l’affection conjugale et de la famille. Toutes les femmes qu’il avait désirées pour compagnes de son existence sont mariées. Si Juliette, comtesse de Gallenberg, tente un jour de se rapprocher de lui, ce sera sous l’aiguillon de la misère et pour obtenir une aide pécuniaire en faveur de son mari : « Il étoit toujours mon ennemi et c’étoit justement la raison que je fasse tout le bien possible. » Amélie Sebald est la femme d’un conseiller d’État, et Thérèse Malfatti est fiancée au baron Drosdick, qu’elle épousera l’année suivante. Beethoven a renoncé à chercher inutilement le Gegenliebe qu’il a si souvent chanté… ; il a renoncé à l’amour.

Si parfois il lui arrive encore de jeter les yeux sur un être féminin, s’il écrit : « L’amour seul peut donner une vie heureuse. — Ô Dieu ! laissez-moi enfin trouver celle qui doit me raffermir dans la vertu, et qui soit à moi ! », tout cela n’est que la dernière lueur d’une flamme qui s’éteint, le dernier feuillet d’un livre qui va se fermer à jamais et dont il scellera la fermeture par deux beaux poèmes vocaux : À la bien-aimée lointaine et Résignation. Après l’année, si glorieuse pour lui, du congrès de Vienne, il reste cependant dépourvu de situation officielle. Sa pension réduite suffit à peine à ses besoins et surtout aux dépenses de ce neveu Charles qui lui donne si peu de satisfactions. D’autre part, la surdité, alors absolument complète (les innombrables cornets acoustiques de Mælzel lui sont devenus à peu près inutiles), lui interdit, non seulement toute relation suivie avec ses semblables, mais encore les plus élé-