Il serait trop long d’entrer dans les détails, mais il faut conclure que si l’intelligence seule ne peut enfanter que des productions toujours froides et, tranchons le mot, inutiles lorsque l’étincelle instinctive du génie ne vient pas les alimenter, d’autre part, l’instinct seul demeure totalement impuissant à édifier une œuvre et n’arrive, sans l’aide de l’intelligence, qu’à balbutier d’ingénieuses mais toujours éphémères improvisations. Ces deux facultés, toutefois, ne suffiraient pas à l’éclosion d’une belle œuvre, si le sentiment, l’émotion, le cœur en un mot, ne venaient en choisir les éléments expressifs, et animer ainsi la superbe, mais rigide statue, en lui donnant, par l’opération de son souffle divin, et le mouvement et la parole.
Et qu’on ne croie point que ce que nous venons d’exposer représente un système de composition — celui du seul Beethoven, par exemple — et qu’il en puisse exister d’autres. Non, ceci est la composition même et, s’il est naturel que les divers artistes diffèrent sur le détail, tous les génies — tous ceux, du moins, dont il a été permis de contrôler le travail — n’ont jamais procédé autrement. Karl von Dittersdorf (1739-1799), ce compositeur de second ordre, peut-être, mais si intéressant par sa culture et son intelligence, a fort bien résumé, dans ses Mémoires, ce que nous affirmons ici : « Je m’étais rendu compte », écrit-il, « qu’il faut au compositeur, outre beaucoup de goût, d’imagination, de fantaisie et de connaissances techniques, le génie créateur avant tout. Or, ce dernier, bien qu’il soit un présent de la nature, ne peut être apprécié qu’après que le musicien a acquis une culture suffisante. Dans le cas contraire, le génie se développe comme une plante sau-