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LUDWIG VAN BEETHOVEN

Beethoven improvisait au bruit des flots du Danube qui lui arrivait par la fenêtre ouverte avec l’air embaumé des tilleuls. Un jour qu’il est au piano, deux mains se posent sur ses épaules, et une bouche, collée contre son oreille, lui crie : « Je m’appelle Brentano ! » À ce trait, on a déjà reconnu la célèbre Bettina, la sœur cadette de Franz, « si petite à vingt-deux ans qu’elle n’en paraît que douze ou treize ».

Comment l’inflammable Beethoven résisterait-il à cette endiablée qui ne marche qu’en dansant et saute sur ses genoux avec la même aisance qu’elle grimpait sur les genoux de Gœthe, ou à la rosace de la cathédrale de Cologne ? — Comme elle sait bien flatter et encenser ! « Tu es ravissante, ma jeune danseuse, » lui disait Gœthe, « à chaque pas tu nous jettes une couronne ». Hélas ! il est vrai, si Bettina raffole de la musique de Beethoven, elle ne raffole pas moins de celle de Durante ; si elle aime Gœthe, elle aime aussi les hussards français et les beaux turcs du Prater dont elle s’amuse à faire danser la pantoufle au bout d’une baguette. D’ailleurs, « où la folie finit chez les autres, elle commence chez les Brentano ».

L’honneur de Bettina, dit fort bien Sainte-Beuve, est d’avoir su être, de Gœthe à Beethoven, un double interprète. Ce furent « deux rois mages qui se saluèrent de loin par ce petit page lutin qui fait si bien les messages ». L’entrevue de Beethoven avec le Jupiter olympien de Weimar eut lieu en juillet 1812, aux eaux de Teplitz ; elle fut ce qu’on pouvait attendre de l’admiration respectueuse que témoigna toujours le musicien à l’auteur du Faust.

Que se dirent les deux grands hommes ? Que put