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Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/85

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LUDWIG VAN BEETHOVEN

redoutable metteur en œuvre des principes de 89, qu’il avait devant les yeux, mais bien plutôt le héros glorieux, couronné de lauriers, le vigoureux soldat dompteur de l’anarchie, qui, d’un geste et par une violation formelle de la Constitution républicaine, venait d’ « assassiner la représentation nationale[1] » ; celui auquel il adressait la Symphonie héroïque, c’était l’homme de Brumaire.

Aussi bien, le traité de Lunéville avait, depuis deux ans déjà, rendu la paix à l’Autriche ; la capitale et l’Empire respiraient enfin librement. Beethoven pouvait avoir le dessein de célébrer cet heureux moment. L’anecdote que rapporte Ries de la dédicace déchirée sur un exemplaire (qui d’ailleurs n’était pas le manuscrit), le prétendu geste vengeur du maître en colère, trouverait ainsi sa place vers 1805, lorsque Napoléon, rompant cette paix sur laquelle on fondait tant d’espérances, envahit subitement la malheureuse Autriche, cherchant à saper, au profit de sa seule ambition, l’harmonieux édifice des monarchies de l’Europe.

La marche funèbre, le seul morceau de la IIIe symphonie où l’on retrouve le « rythme militaire » dont nous avons parlé, semble avoir été pensée non point à l’occasion de la « mort d’un héros », comme celle de l’op. 26, mais en vue de la glorification de tous les héros tombés pour la patrie et conservant, en mourant, l’espérance d’une vie supra-terrestre. En 1821, Beethoven disait en plaisantant avoir prononcé l’oraison funèbre de Napoléon dix-sept ans avant la mort du captif de Sainte-Hélène ; aussi bien cette oraison funèbre, il aurait pu l’appliquer à lui-même, car les deux grands

  1. Mémoires de Barras.