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CÉSAR FRANCK

degré la conscience artistique, cette pierre de touche du génie.

Dans plusieurs œuvres du maître, nous pouvons trouver la preuve de cette assertion ; en effet, l’artiste vraiment digne de ce nom n’exprime bien que ce qu’il a pu ressentir lui-même et éprouve de grandes difficultés à rendre par son art, un sentiment étranger à sa nature ; or, il est remarquable qu’en raison même de cette disposition dont j’ai parlé plus haut à ne pouvoir soupçonner le mal, Franck ne réussit jamais à exprimer d’une façon satisfaisante la perversité humaine, et, dans toutes celles de ses œuvres où il fut forcé de traiter des sentiments comme la haine, l’injustice, le mal en un mot, ces parties sont incontestablement de beaucoup les plus faibles ; il suffira, pour s’en convaincre, de lire les chœurs des révoltés, des injustes et des tyrans de la cinquième et de la septième Béatitudes, comme aussi la plus grande partie du rôle de Satan dans cette dernière où l’esprit du Mal prend l’allure pompeuse et déclamatoire d’un démon de Cornélius ou même de Wiertz.

Il est donc tout naturel qu’en dehors de la musique pure, genre dans lequel il excella, César Franck fût porté, par un talent que sa sincérité rendait conforme à son caractère, vers la peinture des scènes bibliques ou évangéliques