Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/19

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par une timidité dont ils ne peuvent se défendre. D’abord, peureusement, ils mesurent les prix à l’éclat des enseignes, puis ils sacrifient la prudence à l’ardeur qui les soulève.

Lecouvreur, décidé, pousse la porte d’un « bouillon ». Ils entrent dans une salle où trois lustres répandent une lumière aveuglante. Ils s’installent à une petite table. Sur la nappe d’un blanc glacé, les verres et l’argenterie-imitation resplendissent. Ce luxe les intimide. Un garçon leur présente le menu, attend leurs ordres.

Louise lit à voix haute la liste des mets, dans ses yeux passe une lueur de convoitise.

— Allons, ma petite, décide-toi, dit Lecouvreur.

— Eh, je ne sais pas… On prend de la soupe ? des entrées ? Ah ! tiens, choisis !…

Chez elle, Louise cuisine parce qu’il le faut bien ; c’est la dernière corvée après que le travail est fini. Mais ce restaurant ressemble à un conte de fées. On n’y calme pas seulement sa faim, on y apaise les gourmandises d’une année.

— Garçon, trois cervelles ! commande enfin Lecouvreur.