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Il déplie sa serviette. D’une voix mâle que sa femme ne lui connaît pas :

— Qu’est-ce que vous boirez ? du blanc, du rouge ?

— Je veux du cidre, s’écrie Maurice.

— Moi, un peu de blanc, demande Louise.

Ils mangent en silence, avec une sorte de ferveur. L’abondance du repas comble leurs sens et surprend leur esprit…

Après le dessert, le café. Lecouvreur appelle Maurice « Toto » comme jadis. Il regarde affectueusement sa femme dont le visage toujours grave et un peu triste s’est adouci.

— Voilà une journée qu’on n’oubliera jamais, dit-il. C’est comme le jour de l’amnistie… Il baisse la voix : Va falloir mettre ton frère au courant, Louise…

Mais les clients se retirent, on peut converser à l’aise. Les Lecouvreur s’affermissent dans leur résolution. Le garçon de salle, en éteignant un lustre, leur rappelle la réalité.

— Si on finissait la soirée au théâtre ? propose Maurice.

Lecouvreur secoue la tête.

— Mieux vaut rentrer. Faut être dispos demain…

Ils marchent doucement, un peu engourdis