Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/241

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Elle y faisait porter ses affaires, mais les détails de l’emménagement excédaient ses forces et c’était son mari qui s’occupait de leur nouvelle installation…

Un matin, l’entrepreneur lui dit qu’il ne fallait pas rester là, les ouvriers allaient attaquer la maçonnerie. Docile, elle traversa la rue, s’assit sur un banc du poste-vigie, d’où l’on voyait l’hôtel.

C’était une bâtisse en carreaux de plâtre et en vieilles charpentes. Les ouvriers, une chanson aux lèvres, armés de pics et de masses, abattaient des pans de mur qui s’écroulaient avec fracas ; des plâtras tombaient dans la cour et, comme la neige, recouvraient deux camions abandonnés par Latouche.

L’escalier, les couloirs, ouvraient leurs gueules sombres. « Ils en sont au 28… Les voilà au 27, » murmurait Louise. « Tiens, les voici chez Pélican. » Elle reconnaissait chaque chambre à un détail, à la couleur d’un papier qu’elle avait choisi. L’hôtel lui apparaissait divisé en étroits compartiments, comme une ruche ; elle s’étonnait que soixante personnes y eussent vécu. Elle voyait son effort des dernières années anéanti ; son passé s’en allait par morceaux.