Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/53

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souhait du père Louis. Les verres et les bouteilles s’irisent de reflets, le comptoir, bien astiqué, s’illumine. Que tout cela est beau, encourageant ! Lecouvreur remonte ses manches de chemise, secoue ses mains poissées d’une eau liquoreuse et regarde dans le zinc poli son visage dévié lui sourire à la renverse. Sa jubilation déborde, il caresse des yeux ses chaises, ses tables en « parfait état », les deux grandes banquettes couvertes de moleskine rouge. Du plafond jaillit un lustre à trois branches. Il ne manque plus qu’un billard !

Lecouvreur ne peut y tenir plus longtemps. Il traverse la rue pour embrasser d’un seul coup d’œil tout ce qu’il possède. Accoté contre une balustrade, l’essuie-verre autour du cou, le regard fixé sur le dernier étage de sa maison, il se recueille. L’an prochain, il fera refaire la façade, repeindre l’enseigne ; les murs du côté de chez Latouche auraient grand besoin d’un coup de crépi. La pluie y a tracé des sillons comme des rides humaines. Au premier, entre deux fenêtres, un écriteau d’avant-guerre attire l’attention :