Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/56

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cartes et les femmes. Il jouait à la manille avec les amis dès qu’il rentrait du « turbin ». Dans le quartier sa réputation de bon joueur était solide ; on lui enviait son habileté et une chance de « cocu » qui lui permettait de boire à sa soif sans jamais débourser un sou. Son travail de porteur ne lui donnait aucun souci. Il était fier de ses succès chez les bistrots ; tous les copains se le disputaient comme partenaire. Mais dès qu’il voyait passer un jupon, il lâchait les cartes.

Le destin l’avait gratifié d’un teint de tomate mûre ; ses petits yeux clignotaient ; son cou, trop court, s’enfonçait dans ses épaules. L’uniforme du chemin de fer ne l’avantageait pas. Mais il savait supporter patiemment les rebuffades ou les moqueries ; avec une assurance de mâle obtus et sensuel il guettait la proie qu’il s’était choisie : son heure venait toujours !

Il ne s’attardait plus à poursuivre des pucelles. À ce petit jeu-là, des gars perdaient leur temps. Non, entre trente et cinquante, voilà les femmes qui lui convenaient, petites, boulottes ou efflanquées, blondes ou brunes, cuisinières, bonniches, balayeuses, ah ! il n’y regardait pas de si près. Lui, en fait d’amour,