Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/57

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ne comptait que la bagatelle ! La laideur de ses maîtresses, leur linge douteux, leurs habitudes crapuleuses, n’étaient pas pour l’intimider. Il se contentait des « laissés pour compte », comme ça il ne risquait pas de rencontrer un rival ni de se mettre un fil à la patte. Il se rasait et changeait de linge une fois par semaine et tous les jours de l’année portait, enfoncée sur les yeux, sa casquette graisseuse de cheminot.

Quand il était « de repos », il allait à l’affût. Il s’embusquait dans un renfoncement du couloir, sur le palier ou à la sortie des « water ». Il avait bien calculé son coup. La femme passait devant lui. Il sortait de l’ombre, il lui barrait la route : « Eh, la petite, on passe pas sans me donner un bécot. » Presque toujours il gagnait la partie. En avait-il ébauché des liaisons dans ces couloirs !

Si sa victime était mariée, le soir, dans la boutique, il invitait le mari à faire une manille. Le trio s’installait gaiement autour d’une table et, en grand seigneur, Mimar offrait une tournée. Il lorgnait sa voisine, la frôlait du coude, s’échauffait, enfin lui faisait du pied.

« Je n’ai pas de veine, ce soir », disait-il à son partenaire.