Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/61

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— Y a plus un chat, vous voyez bien… Allons, vous reviendrez demain matin.

Il poussait l’ivrogne dehors et fermait vite la porte comme s’il venait d’échapper à un danger…

Lecouvreur buvait le moins possible. Quelques apéritifs suffisaient pour l’étourdir, lui enlever le goût du travail. Mais comment, sans faire injure à ses habitués et compromettre son commerce, refuser les tournées qu’on lui offrait ? Il s’était bien fabriqué un breuvage inoffensif, à base de sirop ; malheureusement les clients ne le laissaient pas tirer sa bouteille de sous le comptoir. Sur ce chapitre-là, ils ne plaisantaient pas. « On ne vous a pas invité à boire de la queue de cerise ni du pipi de rossignol. » Lecouvreur cédait en ronchonnant. Puis, à son tour, il lui fallait « remettre ça », et il s’exécutait sans entrain, à la surprise des clients. Ah ! s’ils avaient été bistrots à sa place !

Les samedis, soirs de grande manille, Lecouvreur finissait, lui aussi, par s’enivrer. Louise s’attristait à le regarder boire, mais elle se taisait et pensait : « C’est le commerce ! »

Elle ressassait toutes ses déceptions. La saleté de la maison lui soulevait le cœur. Elle