Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/95

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Il va lentement. Il contourne un homme étendu, qui repose la tête appuyée sur un sac de ciment. Un « clochard ». L’asile du quai de Valmy est là-bas, sombre et nu comme une caserne. Des êtres marchent, les épaules repliées, la poitrine creuse, des vieux qui triment, traînent leur existence comme le palefrin. Un à un, en courbant l’échine, ils franchissent la porte de l’Asile.

« Y sont tout de même mieux là-dedans que sous les ponts, » pense Lecouvreur.

Sur un tas de sable des amoureux se tiennent embrassés. Il surprend leurs baisers, leurs chuchotements. Il s’arrête et pousse un soupir. Des rôdeurs le frôlent. On entend, de loin, le métro passer sur le viaduc dont les piliers se perdent dans l’ombre ; des convois éblouissants rayent le ciel comme des comètes.

Lecouvreur se retourne. Il respire profondément l’odeur de son canal, tend l’oreille aux bruits troubles qui montent des rues. Les lumières clignotent. D’un coup d’œil il embrasse le quartier plongé dans la nuit et dont l’Hôtel du Nord lui semble être le centre. Puis il repart, à petits pas.