Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/94

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Si ça continue, on pourra bientôt plus naviguer. Sans compter que l’été, au soleil, toute cette pourriture… Ah ! quand on fait que passer, bien sûr, on réfléchit pas à tout ça, on regarde les péniches. Ça amuse l’œil. Mais faut pas croire que tout soit rose pour les riverains…

— Si le canal pouvait parler, déclare alors un client. Il en connaît des histoires.

Julot a un mouvement d’épaules. « On s’y fait ». Il repose son verre vide.

— Salut, les gars ! Reste encore à porter la gosse à la Morgue. Faut que j’aide à la glisser dans le fourgon. »

Le soir est venu. Lecouvreur regarde devant lui le grand coude du canal ; un bruit de cascade monte de l’écluse. Le souvenir de la noyée ne l’a guère quitté de tout l’après-midi. Il y songe encore ce soir. Il pense aussi à Renée.

— Je vais faire un tour, dit-il à sa femme.

Jamais il n’a eu la curiosité de se promener à la tombée du jour. Il traverse le pont-tournant et remonte le quai. L’eau est calme ; les péniches, immobiles et pansues, sont allongées comme des bêtes.