Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment des grandes orgues et la voltige des premiers solistes de la paroisse, un des offices liturgiques les plus chargés d’espérance et de poésie : rien ne tira Jacques de son abattement. Il pleura avec André, aux yeux de tous, sans trouver un mot pour répondre à Voilard qui lui tapotait l’épaule en disant : « Allons du courage, mon vieux ! Tu es plus brave que cela. »

Jacques revint du cimetière avec l’oncle Paul. L’oncle Paul avait quelque chose à lui dire.

— Jacques, mon garçon, tu es à même de comprendre les intérêts de ta famille. Ta mère qui ne connaît rien en affaires ne songe qu’à sa nichée ; Guy est un garçon intelligent, il ne manque pas de ressources…

Il faisait craquer ses jointures.

— Mais que veux-tu, nous avons besoin de Voilard. La plus mince querelle nous porterait préjudice à tous.

L’oncle Paul est las comme un homme qui a lutté et perdu. Au nom de Lucien, le visage de Jacques s’est fermé. Il avait bien manœuvré, le garçon, et les circonstances le servaient comme elles l’avaient toujours servi, en roi ; jamais Voilard ne controuverait des faits qu’un destin propice taillait immanquablement à la mesure de son pied agile.

À la maison, le grand salon remis en ordre par l’individu grêlé, ne retrouvait pas l’atmosphère de tous les jours. L’hypocrisie flottait dans l’air, rôdait autour des portes et des meubles, qui refusaient de trahir leur maître. Les enfants s’observaient, figés dans leurs habits de deuil ; ils commençaient des phrases qu’ils n’achevaient pas. L’oncle Paul se taisait.