Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
LE VERGER

cœur pur, du moins elle le croyait. Jacques avait connu ces luttes avant elle et il lui avait dit, une fois qu’elle s’était montrée par trop candide, qu’un jour viendrait où elle demanderait à Dieu en pleurant de la délivrer du mal.

La vie méritait d’être vécue. Que s’il fallait ne plus se voir pour assurer l’avenir, elle était prête. Et puis elle en parlerait à son confesseur. Ne serait-il pas plus large qu’elle ? Aimer Dieu ce n’était pas chose facile. Jusqu’où fallait-il aimer Dieu ? Elle répète inconsciemment des phrases de Jacques.

Elle passa rue du Parloir, sous les tilleuls des Ursulines ; elle aurait voulu dire sa joie aux petites filles qui sortaient du couvent par grappes roses. Elle retrouverait la joie, même si elle devait s’immoler. Qui serait le plus généreux de Jacques ou d’elle ? Au cours d’une discussion dont elle n’avait jamais accepté les conclusions, Jacques et Maurice n’avaient-ils pas, dans leur suffisance, imputé aux jeunes filles le blasement que Louise reprochait aux jeunes hommes, et le peu de respect dont ils protégeaient les compagnes de leur avenir ? Les faits seraient moins cruels que son imagination surexcitée ; elle éprouvait toujours comme sa mère le besoin de souffrir. Elle saurait bientôt, car trois heures sonnaient à l’hôtel de ville.