Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/189

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bousculaient tout devant eux et rentraient triomphalement dans son cœur.

Louise n’était pas dupe d’elle-même ; Jacques s’en apercevait au ton de sa voix et à la couleur que les choses prenaient dans son imagination apeurée. L’idée lui vint de ranimer l’espérance à-demi éteinte et il n’y parvint pas, tant Louise mettait d’énergie dans son refus d’un bonheur trop facile. Ils l’avaient compris tous deux : ils goûtaient les fruits amers d’un arbre qui ne fleurirait plus.

La façade gris clair, dressée dans le bleu sur les bois et la terre brune, insistait comme une idée tenace.

Comment n’y avait-elle pas songé auparavant ?

Jacques avait promis un soir de venir chercher Estelle et Louise, en auto, pour les conduire à la messe. En arrivant à la Saulaie avec Monique et Maurice, pas d’autre bruit que le froissement du cailloutis sous les pneus ; Jacques avait lancé de petits graviers dans les volets rouges de l’étage, au nord. Estelle était descendue ; Louise ne venait pas, elle dormait. Estelle l’avait éveillée à deux reprises ; il n’y avait rien à faire quand Louise ne voulait pas entendre. Au retour Estelle avait dit à Louise : « Jacques Richard, tu devrais le voir à l’église ; ce garçon-là fera un prêtre ; tu n’as jamais songé à cela ? Maurice m’a avoué que ce n’était pas impossible ». Louise avait oublié cette scène. Elle avait cru l’oublier, puisque la scène renaissait dans tous ses détails et si pleine de sens maintenant, lourde comme les pressentiments qui avaient presque submergé Louise tout à l’heure. À parler franc, elle avait posé cette éventualité comme un possible, comme un possible