Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/21

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sûre que les mots et il ne faut pas, pour le plaisir des mots, risquer de l’anéantir.

Sur le chemin de table, les pivoines perdaient des pétales que Monique froissait d’une main distraite. Jacques embarrassé rompit le silence :

— Avez-vous terminé la liste de vos invitations ?

De la tête elle fit signe que oui, évitant d’aiguiller sur un sujet aussi banal.

— À quoi songes-tu ? demanda Jacques.

— À Marguerite Morand. Je l’ai rencontrée hier. L’entrée de Pierre à Saint-Benoît leur a causé bien du chagrin, tu sais.

Jacques répondit, le ton rogue :

— Ils auraient peut-être moins de chagrin si Pierre avait persisté à courir la prétentaine. S’ils savaient tout ce que leur Pierre s’est permis depuis deux ans ! Tu ne devrais pas t’émouvoir sur ces gens-là.

Il s’arrête et regarde sa sœur.

— Jacques, tu es grichu, mon homme. Qu’est-ce que je t’ai fait ? Tu me grondes comme si je prenais parti contre toi. Tu me parles comme les Pères…

Une comparaison de trop dans cette phrase. Marguerite Morand avait rapporté à Monique une parole de Pierre : « Jacques Richard finira comme moi, par la corde. » Mais il était trop tard. Monique s’empressa d’ajouter :

— Je te concéderai que ce sont des parvenus détestables, les Morand. On éprouverait à moins le besoin de s’évader.

Jacques se tait. C’est à Monique de brusquer une question de tout repos, comme le timide qui appré-