Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/22

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hende de trahir dans le silence le secret hébergé au fond de lui-même.

— Qui as-tu vu chez Noël Angers, ce soir ?

— Toujours le même groupe. Maurice Legendre est chez Noël pour quelques semaines ; il voudrait que je les accompagne au lac des Monts. Noël serait de la partie.

— Maurice a toujours été un bon ami pour toi, n’est-ce pas ? Un peu prétentieux mais si fidèle. Depuis les jours de la rue Charlevoix. Te souviens-tu, Jacques, quand il faisait l’école buissonnière et qu’il nous arrivait, le matin, et balbutiait, les yeux dans le vague : « J’étais en retard ; la sœur avait barré la porte. »

À l’évocation des matins ensoleillés de la rue Charlevoix, l’âme de Jacques se détendit. Monique avait entr’ouvert, presque sans le savoir, la grille unique du jardin muré. Ils revoient ensemble les saules de l’Hôtel-Dieu, au printemps, les bourgeons que les branches tendent comme des fleurs par-dessus les murs gris de la cour ; on entend l’eau chantonner sous les regards, la cloche du monastère qui sonne tierce, et dans le port mal dégourdi les sifflements des premiers navires à toucher les quais.

— L’école n’a jamais été tendre pour Maurice. Maurice se croyait fort en catéchisme ! Lorsque nous avons subi l’examen avant la première communion, Monsieur le Curé de la Basilique a décerné le premier prix non pas à Maurice mais à Estelle Beauchesne, cette Estelle qui avait contracté la mauvaise habitude de pousser sur la rue en pente, vers les bouches d’égout, sans qu’il y parût, les billes de Maurice. Le matin de la cérémonie, nous avions reçu un cha-