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Chapitre III

LE FEU DE LA SAINT-JEAN


Le fleuve, comme les troupeaux qui descendent des pâturages à l’heure du souper, se retire en broutant le sol avec paresse et par à-coups ; des filets d’eau courent entre les cailloux et reflètent les rougeoiements du soir qui recule avec la mer.

Ce soir, c’est le feu de la Saint-Jean.

Aux premières heures du baissant, le petit monde du village, tel un vol de canards, s’est abattu sur la grève détrempée. Les plus vaillants parmi les hommes ont passé les salopettes du chauffeur ou du jardinier et ont descendu prêter main-forte. Ils traînent des caisses défoncées et des bouts de planches, et lancent sur la meule à brûler, en énormes gerbes rousses, les rameaux de cèdre et de sapin dont on a, cet hiver, abrié les fraisiers.

Les jeunes étendent des couvertures de voyages et de vieux imperméables entre les joncs en bourrelets des laisses sablonneuses, au pied du mur de soutènement. On prend des rhumatismes sur le sable, les aînés le chantent aux jeunes gens chaque année ; mais