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LE VERGER

ils perdent leur peine, les jeunes gens ne comprendront jamais. Le crépuscule rosit la chaussée, transformée en promenade, où les villégiateurs dégustent à pas lents les derniers plaisirs d’une fête chômée. André se blottit frémissant près de sa mère qui l’appelle ; Madame Richard saisit la tête du benjamin et plaque des baisers goulus à la naissance du cou ; là-bas, autour de la pyramide en chantier, les galopins endêvés courent dans le flou du couchant comme des loups-garous.

Les avant-bras maculés de résine, Jacques portait d’énormes fagots qui lui éraflaient la figure. Il traversa la route ; des estivants lui coupaient le chemin, face à l’escalier de grève.

— Pardon… Laisse-moi donc passer, Maurice !

Accoudé au parapet, Maurice étalait son nonchaloir. Il écoutait une jeune fille inconnue de Jacques ; elle se retourna en s’écartant et le jeune homme passa. Où avait-il croisé ce regard ? Un visage d’un ovale assoupli et plein de fraîcheur, des cheveux aux mèches mal retenues sous un étroit bandeau rouge. Les yeux avaient brillé, des yeux châtains, dorés chaudement. Jacques, l’âme grande ouverte sur son émoi, mit le pied dans une flaque d’eau et jeta la brassée de bois à terre.

— On allume, Jacques ?

André, près de lui, tombait de fatigue ; Jacques ne lui répondit pas. Il songeait au moyen de repasser près de Maurice. Il partit en courant et inquiet de sa curiosité s’élança dans l’escalier, quatre à quatre. Maurice le saisit par la bouffissure de la chemise.