Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/27

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Vêtue d’une robe d’été toute blanche froncée à la taille, la jeune fille fixait sur Jacques un regard et un sourire partagés entre la gêne et l’ironie. Jacques remarqua une seconde jeune fille, un peu plus grande ; les deux sœurs sans doute, tant elles se ressemblaient. Il cherchait en vain à se remettre l’expression pourtant connue du visage baigné d’ombre. Il allait dire leur nom, lorsqu’il entendit Maurice, sur un ton affecté :

— Mesdemoiselles Beauchesne, permettez-moi de vous présenter mon ami Jacques Richard. S’il feint de ne pas vous reconnaître, c’est qu’il faut toujours faire les choses en grand avec lui.

Louise tendait la main :

— Tu mets du temps à nous reconnaître, Jacques. Nous ne sommes pas si loin de la rue Charlevoix.

Le tutoiement, le nom de la rue Charlevoix et de Louise Beauchesne, émouvaient en Jacques des souvenirs rangés, qui poussaient des têtes comme les bourgeons des saules au printemps pour renaître tous ensemble.

— Je me souviens en effet, Louise.

Il ne put ajouter un mot, surpris d’avoir prononcé le nom de Louise et n’osant pas répondre au tutoiement de la jeune fille. Il allait rester court lorsque la compagne de Louise l’interpella :

— Tu seras toujours cérémonieux, Jacques Richard ! Est-ce que j’ai tellement changé ?

Elle avait beaucoup changé, mais non dans la manière autoritaire de s’exprimer. Estelle Beauchesne n’était plus la fillette aigrie dont les enfants portaient mal les airs soupçonneux. Une distinction précise relevait d’un bref éclat les mouvements et les regards