Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/33

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Un cri sauvage lui répondit et la bande hurlante se rua vers le trottoir. Elle bondit dans les escaliers, escalade à la courte échelle le mur de soutènement, enjambe le parapet, émeut un flottement parmi les spectateurs. Les petits drôles filtrent entre les parents, qui tentent en vain de les happer au passage ; ils vocifèrent comme des démons, détachent des bourrades à gauche et à droite, et s’engagent avec vigueur dans un ultime corps à corps.

Il s’agit de bousculer l’oncle Paul vers le débit de bonbons. Lui fait mine de ne pas comprendre ; il a même allumé sa pipe comme un homme qui a fini de jouer. Il cède du terrain toutefois sous la fourche des gripettes ; il leur échappe deux ou trois fois mais ce n’est pas pour longtemps, il est perdu. Les vieilles gens protestent et dénoncent ces criailleries ; aux réclamations des parents, l’oncle Paul oppose l’impassibilité du sachem.

On sait comment cela finit avec l’oncle Paul. Il défraya les Iroquois de guimauve et de caramel qui collent aux dents, et le tumulte s’apaisa.

Il se faisait tard. Les vaguelettes du montant se dépliaient vers le feu et on entendait suer les branches vertes jetées par les gamins avant l’attaque. Maurice et les deux jeunes filles, les yeux brûlants, venaient à la rencontre de Jacques ; Louise était rouge de plaisir :

— Oh ! Jacques, dire qu’Estelle ne voulait traverser à l’île qu’au début de juillet. Nous aurions manqué le feu de la Saint-Jean.

— Au fond, disait Maurice, c’est Jacques qui a raison. Quand je le vois, chaque année, descendre sur la grève, je le traite de sentimental. Mais après, je me