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LE VERGER

L’oncle Paul entonnait le chant de l’île d’Orléans :

C’est notre terre d’Orléans,
Qu’est le pays des beaux enfants.
Toure-loure, dansons à l’entour.
Toure-loure, dansons à l’entour !

Le cercle entier s’ébranla au rythme de la chanson.

Venez-y tous en survenants,
Sorciers, lézards, crapauds, serpents !
Toure-loure, dansons à l’entour,
Toure-loure, dansons à l’entour !

Venez-y tous en survenants,
Impies, athées et mécréants !
Toure-loure, dansons à l’entour,
Toure-loure, dansons à l’entour !

L’oncle Paul mis en verve improvise des couplets sur les vieilles filles du village, sur le gardien du phare qui « allume toujours en retard », sur Monsieur le Maire qui « fait toutes les choses à l’envers ». Les trouvailles de l’oncle Paul provoquent des cabrioles, des sauts de carpe, des gambades fantastiques et talonnent toute la ronde. La flamme ronge les visages, torture les ombres et allume une patine de bronze aux flancs du dévidoir affolé. On entend souffler les plus vieux mais les lutins sont sans merci. Il faut que l’oncle Paul intervienne ; il a des tours plein ses poches.

Le mot passe de bouche en bouche. On agrippe un tison ou une branche : un fusil, un tomahawk, une lance. Des polissons se mâchurent la peau avec des bouts de bois carbonisés. En deux minutes, tout est prêt. On va savoir ce que cela veut dire, une incursion des Iroquois contre les Hurons établis à l’anse du Fort.

— À l’assaut ! cria l’oncle Paul. À mort les alliés des visages pâles !