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Chapitre IV

L’INTRUS


L’oncle Paul, les paupières mi-closes sous la toile bise de sa casquette, se chauffait au creux d’une chaise longue et chassait, d’une main paresseuse, une mouche que tentait l’épiderme tendrelet du cou et des avant-bras. Un arôme de sucre bouilli et de fraises des champs filtrait par les fenêtres grillagées de la cuisine où la vieille Marie cuisait les confitures. L’oncle Paul bougonnait :

— Mouche de mouche !

À deux pas, derrière la pergola, Jacques observait.

Les vacances de Monsieur Paul Richard ne comportaient aucun imprévu. Le matin, sauf les jours de pluie où il se plongeait dans la Petite Illustration et dans des livres interdits aux enfants par Madame Richard, l’oncle Paul, après un quart d’heure de somnolence sous la caresse du soleil, chaussait ses brodequins cloutés et partait en promenade à travers les pacages et les friches. Il chantait à pleine mâchoire les chants de marche appris au front en 1917 (des airs peu convenables, au dire de Madame Richard),