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LE VERGER

Pour s’abstenir du rêve, de ce qui embaume, de ce qui bouge, croît, chante ou brille par l’étendue de la terre et des cieux, il faut une vocation expresse. Que fait de la gloire de Dieu le stoïque qui, entendant la création soulever ses rideaux ou frapper à sa porte, ne lève pas même le nez de ses bouquins au dos raide ? Tout renoncement serait-il négation ? Il ne faut rien outrer, car Jacques écoute avec le chant hardi de l’alouette matineuse le Cantique du soleil que le professeur leur a lu en guise de souhait, quelques heures avant le départ, dans la classe en désordre.



Un matin, Jacques conduisit son père à l’étude du notaire Beauchesne, rue Saint-Pierre. Jacques passa une heure avec lui-même, devant la Banque Provinciale, à muser et à se remémorer sa conversation avec l’oncle Paul. Aucun de ses pressentiments n’avait fui ; on ne dormait plus le sommeil d’autrefois au Verger.

Monsieur Beauchesne reconduisit son client jusqu’à la portière de l’automobile :

— J’ai commencé à rédiger l’acte. Je vous l’enverrai ces jours-ci, Monsieur Richard. Monsieur Voilard m’a suggéré une ou deux corrections depuis notre dernière entrevue, sans importance ; il ne perd pas une maille. Au revoir, Monsieur Richard, et toi aussi, mon beau jeune homme.

Monsieur Richard tira sa montre :

— File, mon homme. Il faut que je sois à l’île avant onze heures.