Page:Daire - Physiocrates.djvu/138

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Celui qui a dit que le droit naturel de l’homme est le droit que sa force et son intelligence lui assurent, a dit vrai[1].

Celui qui a dit que le droit naturel se borne à l’intérêt particulier de chaque homme, a dit vrai[2].

Celui qui a dit que le droit naturel est une loi générale et souveraine qui règle les droits de tous les hommes, a dit vrai[3].

Celui qui a dit que le droit naturel des hommes est le droit illimité de tous à tout, a dit vrai[4].

Celui qui a dit que le droit naturel des hommes est un droit limité par une convention tacite ou explicite, a dit vrai[5].

Celui qui a dit que le droit naturel ne suppose ni juste ni injuste, a dit vrai[6].

Celui qui a dit que le droit naturel est un droit juste, décisif, et fondamental, a dit vrai[7].

Mais aucun n’a dit vrai relativement à tous les cas.

Ainsi, les philosophes se sont arrêtés au paralogisme, ou argument incomplet, dans leurs recherches sur cette matière importante, qui est le principe naturel de tous les devoirs de l’homme réglés par la raison.

Un enfant, dépourvu de force et d’intelligence, a incontestablement un droit naturel à la subsistance, fondé sur le devoir indiqué par la nature au père et à la mère. Ce droit lui est d’autant plus assuré, que le devoir du père et de la mère est accompagné d’un attrait naturel qui agit beaucoup plus puissamment sur le père et sur la mère, que la notion de l’ordre naturel qui établit le devoir. Néanmoins on ne peut ignorer que ce devoir, indiqué et assuré par le sentiment, est dans l’ordre de la justice ; car le père et la mère ne font que rendre à leurs enfants ce qu’ils ont reçu eux-mêmes de leur père et mère : or, un précepte qui se rapporte à un droit juste oblige tout être raisonnable.

Si on me demande ce que c’est que la justice ? Je répondrai que c’est

  1. Voyez-en l’exemple, chap. iii, et chap. v, en note.
  2. Voyez-en l’exemple, chap. ii, en note.
  3. Voyez-en l’exemple, chap. iv. Avec un peu plus d’étendue, cette proposition serait la nôtre.
  4. C’est le système du sophiste Trasimaque dans Platon, renouvelé depuis par Hobbes, et depuis Hobbes par l’auteur du livre intitulé, Principes du Droit naturel et de la Politique. Voyez le présenté et réfuté, chap. ii.
  5. Voyez-en l’exemple, chap. iv.
  6. C’est le cas d’un homme seul dans une île déserte, dont le droit naturel aux productions de son île n’admet ni juste ni injuste ; attendu que la justice ou l’injustice sont des attributs relatifs, qui ne peuvent exister lorsqu’il n’y a personne sur qui les exercer. Voyez le commencement du quatrième chapitre
  7. Voyez la fin de ce chapitre et le commencement du quatrième.