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tude à tous ses devoirs, un modèle pour les chrétiens de l’endroit. Quand son père fut arrêté, en 1800, il le suivit et vint s’installer à une lieue de la prison, faisant tous les jours deux fois le voyage de la ville, pour lui apporter sa nourriture, et le consoler de tout son pouvoir. Justin ayant été transféré à la capitale, Thomas s’attacha à ses pas, ne le quittant ni le jour, ni la nuit, et raccompagna ensuite jusqu’au lieu de son exil, à environ 150 lieues au nord de Séoul. Ils y étaient à peine arrivés, quand Justin, accablé par l’âge, par les suites de ses blessures, par les fatigues d’un voyage aussi pénible, tomba dangereusement malade. Thomas, toujours près de lui, le servit avec un dévouement inexprimable, au point que les païens de ce district, frappés d’admiration, proclamaient hautement que jamais ils n’avaient vu pareille piété filiale.

Justin guérit, et le père et le fils se consolaient ensemble des amertumes et des privations de l’exil, quand, à la huitième lune, arrivèrent les satellites de Iang-keun. Le premier moment de surprise passé, Justin dit à son fils : « Eh bien ! à quoi es-tu résolu ? » Thomas, forcé de laisser seul son vieux père, avait le cœur déchiré, mais soumis avant tout aux ordres de Dieu, et ne voulant pas trop impressionner son père, en lui laissant voir sa peine profonde, il répondit avec calme : « Je n’ai d’autre pensée que de suivre pas à pas la croix de Jésus-Christ. — C’est bien, reprit Justin, maintenant je te vois partir tranquille et sans regret, » et ils se séparèrent pour ne plus se revoir en ce monde. Lorsque Thomas tut arrivé à Iang-keun, le mandarin lui dit : « Connais-tu le crime de ton père ? » Thomas répondit : « Comment pouvez-vous assez méconnaître les principes naturels, pour me faire une pareille question ? quelle faute a commise mon père ? La position où il se trouve aujourd’hui vient de mes fautes à moi, et non des siennes. » Le mandarin exaspéré lui fit subir de cruelles tortures, en le sommant d’apostasier, mais Thomas supporta tout avec constance. Pendant près de deux mois, presque tous les jours, il fut cité devant le tribunal et mis à la question, sans éprouver jamais un moment de faiblesse. Mais son corps finit par succomber à ces supplices répétés, et aux premiers jours de la dixième lune, Thomas mourut dans la prison. Il y avait longtemps qu’il se préparait au martyre. On rapporte que, depuis plusieurs années, il profitait des moments où il était seul pour se frapper violemment les bras et les jambes, afin de s’accoutumer à supporter les supplices, si Dieu permettait qu’il fût pris. C’est peut-être en récompense de cette mortification généreuse, que Dieu lui accorda la palme du martyre.