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voulut la goûter sur-le-champ, et la trouva délicieuse. Le lendemain le moun-kaik était nommé mandarin. »

Outre les nobles de naissance dont nous avons parlé jusqu’à présent, il y a des nobles d’adoption. Ce sont des individus riches qui achètent à prix d’argent des titres de noblesse, non pas au roi ni aux ministres, mais à quelque puissante famille. Ils obtiennent ainsi d’être inscrits sur les registres généalogiques comme descendants de tel ou tel, et dès lors tous les membres de cette famille les reconnaissent comme parents devant le gouvernement et le public, les soutiennent et les protègent comme tels en toute circonstance. Cette pratique est contraire au texte de la loi ; mais elle a de nos jours passé dans les mœurs, et les ministres et le roi lui-même sont obligés de la tolérer.

Mentionnons enfin la classe inférieure de la noblesse, c’est-à-dire les familles que l’on appelle : demi-nobles ou nobles de province. Ce sont les descendants de personnes qui ont rempli quelque charge publique peu importante comme celle de tsoa-siou ou de piel-kam[1]. Ces familles ont quelques privilèges, entre autres celui de porter le bonnet de crin, et quand leurs membres ont souvent été honorés de ces emplois secondaires, elles jouissent, dans la province même, d’une certaine considération. On doit se servir en leur parlant des mêmes formules de courtoisie qu’envers les vrais nobles. Mais au fond leur autorité est beaucoup moins grande, et en dehors de leur propre district, elle devient presque nulle.

Inutile d’ajouter qu’en Corée comme ailleurs les usurpations de titres de noblesse ne sont pas rares. Beaucoup d’aventuriers, quand ils se trouvent dans une province éloignée de la leur, se font passer pour nobles, prennent le bonnet de crin, et usent et abusent de tous les autres privilèges de caste, avec une insolence tout à fait aristocratique. Quand la fraude est découverte, on les traîne à la préfecture la plus voisine, et ils reçoivent une forte bastonnade ; mais s’ils ont des talents, de l’adresse, de l’argent surtout, les mandarins ferment les yeux, et le peuple est obligé de les supporter. Souvent, pendant les persécutions, des chrétiens ont employé ce moyen pour se mettre à l’abri des molestations, et, s’en trouvant bien, persistent à se faire passer pour nobles. « De temps en temps, écrivait Mgr Daveluy, je me permets de plaisanter un peu ces nobles d’emprunt. Mais les

  1. Voir plus haut, p. xxxvii.