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fait les salutations légales ; votre fille parce que, introduite par vous-même dans la chambre nuptiale, elle est devenue de droit et de fait ma concubine. » Il n’y avait rien à répondre ; les deux jeunes femmes furent conduites à la maison du nouveau marié, et le vieillard demeuré seul fut bafoué de tous pour sa maladresse et sa mauvaise foi.

Le jour du mariage, la jeune fille doit montrer la plus grande réserve dans ses paroles. Sur l’estrade, elle ne dit pas un mot, et le soir, dans la chambre nuptiale, l’étiquette, surtout entre gens de la haute noblesse, lui commande le silence le plus absolu. Le jeune marié l’accable de questions, de compliments ; elle doit rester muette et impassible comme une statue. Elle s’assied dans un coin, revêtue d’autant de robes qu’elle en peut porter. Son mari la déshabillera s’il le veut, mais elle ne s’en mêlera pas. Si elle prononçait une parole ou faisait un geste, elle deviendrait un objet de risée et de plaisanterie pour ses compagnes, car les femmes esclaves de la maison se tiennent auprès des portes pour écouter, regardent par toutes les fentes, et se hâtent de publier ce qu’elles peuvent voir et entendre. Un jeune marié fit un jour avec ses amis la gageure d’arracher quelques mots à sa femme dès la première entrevue. Celle-ci en fut avertie. Le jeune homme après avoir vainement tenté divers moyens, s’avisa de lui dire que les astrologues, en tirant l’horoscope de sa future, lui avaient affirmé qu’elle était muette de naissance, qu’il voyait bien que tel était le cas, et qu’il était résolu à ne pas prendre une femme muette. La jeune femme aurait pu se taire impunément, car les cérémonies légales une fois accomplies, que l’un des deux conjoints soit muet ou aveugle, ou impotent, peu importe, le mariage existe. Mais piquée de ces paroles, elle répondit d’un ton aigre-doux : « Hélas ! l’horoscope tiré sur ma nouvelle famille est bien plus vrai encore. Le devin m’a annoncé que j’épouserais le fils d’un rat, et il ne s’est pas trompé. » C’est là pour un Coréen la plus grossière injure, et elle atteignait non-seulement l’époux mais son père. Les éclats de rire des femmes esclaves en faction auprès de la porte augmentèrent la déconvenue du jeune homme. Il avait gagné son pari, mais les moqueries de ses amis lui firent payer bien cher et bien longtemps sa malencontreuse bravade.

Cet état de réserve et de contrainte entre les nouveaux mariés doit, selon les lois de l’étiquette, se prolonger très-longtemps. Pendant des mois entiers, la jeune femme ouvre à peine la bouche pour les choses les plus nécessaires. Point de conversa-