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aller à tous leurs défauts de caractère, sont violentes, insubordonnées, mettent dans leurs maisons la division et la ruine, se battent avec leurs belles-mères, se vengent de leurs maris en leur rendant la vie insupportable, et provoquent sans cesse des scènes de colère et de scandale. Chez les gens du peuple, en pareil cas, le mari se fait justice à coups de poing ou de bâton ; mais dans les hautes classes, l’usage ne permettant point à un noble de frapper sa femme, il n’a d’autre ressource que le divorce, et s’il ne lui est pas facile d’y recourir et de faire les frais d’un autre mariage, il faut qu’il se résigne. Si sa femme, non contente de le tourmenter, lui est infidèle ou s’enfuit de la maison conjugale, il peut la conduire au mandarin, qui, après avoir fait administrer la bastonnade à la dame, la donne pour concubine à quelqu’un de ses satellites ou de ses valets.

Quelquefois cependant, même en Corée, les femmes de tact et d’énergie savent se faire respecter, et conquérir leur position légitime, comme le prouve l’exemple suivant, extrait d’un traité coréen de morale en action, à l’usage des jeunes gens des deux sexes. Vers la fin du siècle dernier, un noble de la capitale, assez haut placé, perdit sa femme dont il avait plusieurs enfants. Son âge déjà avancé rendait un second mariage difficile ; néanmoins, après de longues recherches, les entremetteurs employés en pareil cas firent décider son union avec la fille d’un pauvre noble de la province de Kieng-sang. Au jour fixé, il se rendit à la maison de son futur beau-père, et les deux époux furent amenés sur l’estrade pour se faire les salutations d’usage. Notre dignitaire en voyant sa nouvelle femme, resta un moment interdit. Elle était très-petite, laide, bossue, et semblait aussi peu favorisée des dons de l’esprit que de ceux du corps. Mais il n’y avait pas à reculer, et il en prit son parti, bien résolu à ne jamais l’amener dans sa maison et à n’avoir aucun rapport avec elle. Les deux ou trois jours que l’on passe dans la maison du beau-père étant écoulés, il repartit pour la capitale, et ne donna plus de ses nouvelles. La femme délaissée, qui était une personne de beaucoup d’intelligence, se résigna à son isolement, et demeura dans la maison paternelle, s’informant de temps en temps de ce qui arrivait à son mari. Elle apprit, après deux ou trois ans, qu’il était devenu ministre de second ordre, qu’il venait de marier très-honorablement ses deux fils, puis, quelques années plus tard, qu’il se disposait à célébrer, avec toute la pompe voulue, les fêtes de sa soixantième année.

Aussitôt, sans hésiter, malgré l’opposition et les remontrances