Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/153

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de ses parents, elle prend le chemin de la capitale, se fait porter à la maison du ministre, et annoncer comme sa femme. Elle descend de son palanquin sous le vestibule, se présente d’un air assuré, promène un regard tranquille sur les dames de la famille réunies pour la fête, s’assied à la place d’honneur, se fait apporter du feu, et avec le plus grand calme, allume sa pipe devant toutes les assistantes stupéfaites. La nouvelle est portée de suite à l’appartement des hommes, mais par bienséance personne n’a l’air de s’en émouvoir. Bientôt la dame fait appeler les esclaves de service, et d’un ton sévère : « Quelle maison est-ce que celle-ci ? leur dit-elle ; je suis votre maîtresse et personne ne vient me recevoir. Où avez-vous été élevées ? je devrais vous infliger une grave punition, mais je vous fais grâce pour cette fois. Où est l’appartement de la maîtresse ? » On se hâte de l’y conduire, et là, au milieu de toutes les dames : « Où sont mes belles-filles ? demande-t-elle, comment se fait-il qu’elles ne viennent pas me saluer ? Elles oublient sans doute que par mon mariage je suis devenue la mère de leurs maris, et que j’ai droit de leur part à tous les égards dus à leur propre mère. » Aussitôt, les deux belles-filles se présentent, l’air honteux, et s’excusent de leur mieux sur le trouble où les a jetées une visite aussi inattendue. Elle les réprimande doucement, les exhorte à se montrer plus exactes dans l’accomplissement de leurs devoirs, et donne différents ordres en sa qualité de maîtresse de la maison.

Quelques heures après, voyant qu’aucun des maîtres ne paraissait, elle appelle une esclave et lui dit : « Mes deux fils ne sont certainement pas sortis en un jour comme celui-ci ; voyez s’ils sont à l’appartement des hommes, et faites-les venir. » Ils arrivent très-embarrassés, et balbutient quelques excuses. « Comment, leur dit-elle, vous avez appris mon arrivée depuis plusieurs heures, et vous n’êtes pas encore venus me saluer ! Avec une aussi mauvaise éducation, une pareille ignorance des principes, que ferez-vous dans le monde ? J’ai pardonné aux esclaves et à mes belles-filles leur manque de politesse, mais, pour vous autres hommes, je ne puis laisser votre faute impunie. » En même temps, elle appelle un esclave, et leur fait donner sur les jambes quelques coups de verges. Puis elle ajoute : « Pour votre père le ministre, je suis sa servante, et n’ai pas d’ordres à lui donner ; mais vous, désormais, faites en sorte de ne plus oublier les convenances. »

À la fin, le ministre lui-même, bien étonné de tout ce qui se passait, fut obligé de s’exécuter et vint saluer sa femme. Trois