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grand usage. Le gouvernement chinois, pour conserver le monopole des toiles, défendait rigoureusement l’exportation des graines de cette plante ; néanmoins un ambassadeur coréen, nommé Moun-iouk-i, réussit, pendant son voyage de Péking, à se procurer quelques-unes de ces graines, les cacha, dans le tuyau de sa pipe disent les uns, dans une plume suivant d’autres, échappa à la vigilance des gardes-frontières, et dota son pays de cet arbuste précieux. Si la toile coréenne est si grossière, cela vient de ce que par ici on compte peu d’artisans proprement dits, ou plutôt de ce que tout le monde est artisan. Dans chaque maison, les femmes filent, tissent la toile et confectionnent les habits, d’où il résulte que, personne n’exerçant habituellement ce métier, personne n’y devient habile. Il en est de même à peu près pour tous les arts, aussi les Coréens sont-ils en tout très-arriérés ; on n’est pas plus avancé aujourd’hui qu’on ne l’était autrefois, pas plus qu’on ne le fut au lendemain du déluge, quand tous les arts et métiers recommencèrent.

« Le lin n’est pas employé. Je l’ai souvent aperçu parmi les graminées des montagnes ; mais le Coréen le confond avec les plantes sans valeur, propres seulement à être jetées au feu. Avec le chanvre, on ne fait qu’une toile à trame claire propre aux personnes en deuil, et qui d’ailleurs ne sert que pour les habits d’été. L’espèce d’ortie appelée urtica nivea, est cultivée avec succès dans les provinces méridionales ; mais, faute de savoir filer et tisser, on n’en retire que des toiles à mailles inégales et très-espacées qui, non plus, ne sont employées qu’en été.

« Sur toutes ses montagnes, la Corée pourrait élever des troupeaux immenses de moutons, mais le gouvernement défend aux particuliers d’en nourrir. Dans certaines préfectures, les mandarins en conservent quelques-uns, uniquement pour offrir leur chair dans les sacrifices à Confucius. Aussi les Coréens n’ont-ils jamais essayé de tisser la laine ; à peine si quelques draps étrangers, la plupart de fabrique russe, parviennent à grands frais jusqu’à Séoul. La soie indigène est très-grossière et en petite quantité. Cependant, en voyant le mûrier croître spontanément dans les montagnes, et les vers à soie réussir malgré le peu de soin qu’on en prend, je suis convaincu que, sous l’impulsion d’un gouvernement intelligent, cette branche d’industrie pourrait acquérir de grandes proportions.

« Les toiles européennes de coton, importées par les Chinois, commencent à se vendre en Corée, mais leur prix très-élevé et leur peu de solidité en restreignent forcément l’usage. »