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sur la validité de leur élection et de leur ministère. Ils conclurent qu’il fallait de suite renoncer à toute administration comme à une entreprise téméraire, et prirent la résolution d’écrire à l’évêque de Pékin pour le consulter à ce sujet. Après s’être ainsi avancés devant toute la chrétienté, il dut leur en coûter beaucoup, pour abandonner immédiatement leur position, au risque de s’exposer à la risée publique. Mais leurs intentions étaient droites, leur foi sincère, et ils ne voulurent, sous aucun prétexte, s’exposer à profaner les choses saintes. Ils reprirent donc immédiatement leur place parmi les simples fidèles, et ne s’occupèrent plus qu’à instruire les nouveaux chrétiens, et à prêcher la foi aux Gentils.

La lettre consultative à l’évêque de Péking ayant été rédigée par Pierre Seng-houn-i et François-Xavier Kouen, on rechercha les moyens de la faire parvenir sûrement. L’ambassade annuelle offrait une occasion naturelle. Mais il fallait trouver un homme capable et dévoué qui voulût accepter la périlleuse mission d’établir des relations nécessairement secrètes, avec l’Église de Chine. Il n’y avait pas de chrétien dans l’ambassade : il fallait y en faire entrer un à l’insu des païens. On jeta les yeux sur le catéchumène Paul Ioun Iou-ir-i, pour ce rôle important. Paul Ioun descendait d’une famille noble du district de Nie-tsiou. Il avait été disciple des Kouen, et François-Xavier l’avait instruit des vérités de la religion. Son caractère doux et affable et sa grande discrétion le rendaient propre à l’entreprise projetée. Il accepta la mission qu’on lui confiait, se chargea de la lettre à l’évêque, et déguisé en marchand, partit pour Péking à la dixième lune de cette même année 1789.

La route de Séoul à Péking est de trois mille lys, plus de trois cents lieues. Ce long voyage, fait pendant l’hiver, dans un pays étranger, est très-pénible et offre des dangers véritables. Il n’est pas rare de voir plusieurs personnes de l’ambassade succomber à la suite de maladies contractées en route. Les fatigues ordinaires étaient bien plus grandes encore pour Paul qui, appliqué dès l’enfance à l’étude, et habitué à une vie sédentaire, n’avait aucune expérience des voyages, et se trouvait isolé au milieu de compagnons inconnus, sans aucun appui humain. Il dut cependant faire la route à pied, comme tous ceux dont il simulait la profession, et enfin, malgré mille difficultés, soutenu qu’il était par la grâce toute-puissante de Dieu, il arriva heureusement à Péking. Il se rendit aussitôt auprès de l’évêque, lui remit la lettre dont il était porteur, et lui raconta dans le plus grand