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prostrations, etc., devenait impossible. L’Église leur déclarait par la bouche de l’évêque de Péking que le culte des ancêtres est contraire au culte de Dieu. Cette déclaration, rendue publique, devait blesser à la prunelle de l’œil toutes les classes de la population, car en Corée, la religion des lettrés ou le culte des ancêtres, est la religion de l’État. Toute infraction à ce culte est reçue avec une violente répulsion par l’opinion publique dans le pays tout entier, et l’omission des cérémonies requises sévèrement punie. Ces usages traditionnels, dont l’origine remonte très-haut, et qui ont été transmis fidèlement de génération en génération, sont aux yeux de tous la base de la société, le fondement de l’État, le point d’appui de tous les rapports naturels ; et malheur à celui qui a l’audace de les attaquer, même en paroles ! Il était dès lors facile de prévoir l’orage qui allait éclater, et le parti que les ennemis des chrétiens allaient tirer de leur conduite pour détruire et anéantir l’Église naissante.

Quelques chrétiens faibles en furent épouvantés, et cessèrent, dès ce jour, de pratiquer la religion. Parmi eux, nous avons la douleur de compter Pierre Ni Seng-houn-i, que la crainte avait déjà fait tomber d’une manière si déplorable quelques années auparavant. Il se retira chez lui et n’eut plus aucun rapport avec les chrétiens. Bien plus, cédant à l’ambition des dignités, il obtint successivement divers emplois publics, ce qui, en ce pays comme en Chine, entraîne nécessairement une participation fréquente au culte idolâtrique. Désormais, nous ne le verrons plus paraître que de loin en loin, poursuivi, malgré sa défection, par le mépris des païens eux-mêmes, et ne pouvant parvenir à se laver auprès d’eux du crime d’avoir introduit la religion en Corée. C’est là, aux yeux des gentils, une espèce de péché originel qu’ils reprochent encore aujourd’hui à ses descendants. Malgré cette seconde chute d’un chef influent, la foi des néophytes ne paraît pas avoir été ébranlée, et le très-grand nombre, soumis d’esprit et de cœur à la décision de l’Église, continua à pratiquer avec ferveur, et renonça à tous les actes superstitieux.

Xavier Kouen, resté seul des trois premiers fondateurs de la chrétienté, redoubla de zèle pour raffermir, diriger et augmenter le petit troupeau. Il fut en cela merveilleusement secondé par Jean T’soi, surnommé Koan-tsien-i, âgé alors de trente et quelques années. De leur côté, Louis de Gonzague au Naï-po, et Augustin Niou Hang-kem-i dans la province de Tsien-la, ne se