Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivait dans le voisinage, menaça Paul de le dénoncer comme chef des chrétiens. Sa femme, effrayée, l’engageait à fuir, mais il refusa, dans la crainte d’aller contre la volonté de Dieu et de scandaliser les néophytes qui avaient mis en lui leur confiance. Seulement, il cacha ses livres et ses objets de religion, et attendit.

Le huitième jour de la sixième lune (1797), il était chez lui occupé à son travail, quand tout à coup des hommes armés se présentèrent, demandant à travers la haie de son jardin, s’il était à la maison. « J’y suis, répondit-il, qui m’appelle ? » Aussitôt il sortit au-devant d’eux, les introduisit dans sa maison, les fit asseoir, et s’informa du motif qui les animait. « Nous sommes, dirent-ils, des gens du prétoire, occupés à rechercher un esclave de la préfecture qui s’est enfui. Ayant appris que tu as un calendrier, nous avons voulu le voir pour faciliter nos perquisitions. » Le calendrier chinois dont on fait usage en Corée, contient des paroles superstitieuses pour retrouver les objets perdus. Paul répondit : « J’ai bien un calendrier, mais il n’indique que la suite du temps ; » et il l’apporta. « Lis pour moi, dit le chef des satellites. — Je ne sais pas lire les caractères chinois. — Tu ne sais donc lire que les livres de la religion du Maître du ciel ? » Et, sans attendre de réponse, il donna ordre de l’arrêter. Aussitôt une dizaine d’hommes se jetèrent sur lui et le garrottèrent étroitement. On fouilla la maison, où l’on découvrit un crucifix et quelques livres. On l’entraîna dans un bois voisin, et pendant qu’on le frappait de verges, le chef l’interrogeait, pour apprendre de lui la retraite du prêtre et l’obliger à dénoncer les chrétiens, mais ce fut en vain.

La nuit venue, on le conduisit, ainsi que d’autres chrétiens pris avec lui, dans une pauvre auberge, dont le maître, touché de compassion, obtint qu’on relâchât leurs liens qui les faisaient beaucoup souffrir ; mais arrivés à la ville, lui et ses compagnons de souffrances, furent chargés de fers.

Après avoir examiné le crucifix et les livres, le mandarin fit comparaître les prisonniers et interrogea d’abord Paul : « Quelle est la demeure ? — J’ai demeuré d’abord à Tieng-iang, j’habite maintenant Tieng-san. — Qui t’a instruit et quels sont tes disciples ? — Je n’ai ni maîtres ni disciples. — Tu es un être digne de mort. Si tu n’as ni maîtres ni disciples, d’où viennent ces livres et cette image ? » Paul ne répondit rien. On le reconduisit en prison les mains et les pieds enchaînés, et la cangue au cou. Ses compagnons firent ce que voulut le mandarin, à l’exception d’un seul qui fut aussi mis en prison.