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le faire tuer lui-même. Celui-ci, aidé de son fils, revint frapper le martyr, jusqu’à ce que le croyant mort, il tomba de fatigue et s’endormit. Pendant qu’il dormait, les prisonniers chrétiens s’approchèrent de Laurent, et quel ne fut pas leur étonnement quand il se mit à causer tranquillement avec eux. Toutes ses plaies étaient miraculeusement guéries, on n’en voyait pas même la trace. Il dut sortir un instant, et le geôlier s’étant réveillé, courut après lui, le saisit, et pour en finir avec ce qu’il croyait être une puissance magique, l’étrangla avec une corde de paille. Il était onze heures du matin, le 29 de la deuxième lune de l’année kei-mi (1799).

Ainsi mourut, à l’âge d’environ trente ans, ce glorieux serviteur de Jésus-Christ. Pendant les dix-huit mois que dura son martyre, chacun de ses jours fut marqué par quelque torture, chacun de ses pas laissa des traces ensanglantées. Il semble impossible qu’un corps humain puisse résister si longtemps aux supplices. Mais Dieu, par des motifs dignes de sa sagesse et de sa miséricorde, voulait donner un grand exemple, et, de fait, le lieu où Laurent a souffert, est toujours demeuré une de nos plus ferventes chrétientés. Son sang a été littéralement une semence de chrétiens.

Laurent Pak avait trois amis intimes, nommés Jacques Ouen, Pierre Tsieng et François Pang. La tradition rapporte que tous les quatre, dans un élan de zèle peu éclairé, s’étaient promis de se dénoncer mutuellement, afin d’être martyrisés ensemble. Il ne paraît pas cependant qu’ils l’aient fait ; mais Dieu, pour récompenser leur bonne volonté, permit qu’ils tombassent entre les mains des mandarins l’un après l’autre, à peu près à la même époque, quoique dans des districts différents, et tous les quatre eurent l’honneur de verser glorieusement leur sang pour la foi. Nous recueillons ici ce que les mémoires du temps et les traditions locales nous ont conservé de leur histoire. Il est très-probable qu’ils souffrirent dans cette même année 1799, et c’est la date que nous avons adoptée. Cependant le fait n’est pas absolument certain, car les premiers chrétiens de Corée qui prenaient un grand soin de marquer exactement le jour de la mort des martyrs, afin de célébrer leur anniversaire, n’ont pas observé la même exactitude dans la désignation des années, ce qui cause quelquefois une certaine confusion dans la suite des faits d’ailleurs les plus authentiques.

Jacques Ouen était le cousin germain et l’aîné de Pierre Ouen, martyrisé en 1793. Ils vivaient ensemble au village de Eug-trien-i,