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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/320

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district de Hong-tsiou, et tous deux furent en même temps instruits de la religion. Jacques était doux, facile, droit et ouvert, et, dans un si bon fonds, la foi fit promptement germer toutes sortes de vertus. Dès qu’il fut chrétien, il fit serment de consacrer sa fortune, qui était considérable, au soulagement des indigents, et son occupation journalière fut de les chercher pour leur faire du bien. Afin d’expier ses anciens péchés de gourmandise, il jeûnait tous les vendredis. Son zèle à répandre la religion parmi les païens le portait à aller les trouver de côté et d’autre pour les prêcher. Non content de cela, les dimanches et jours de fête il faisait préparer des aliments en grande quantité, et invitait tout le monde à y prendre part. Quand on était réuni il disait : « C’est aujourd’hui le jour du Seigneur, il faut le célébrer avec une sainte joie, et aussi remercier Dieu de ses dons en faisant part des biens qu’ils nous a donnés. » De là il prenait occasion d’expliquer divers articles de la religion.

Sa réputation se répandit bientôt et, en 1792, le mandarin envoya des satellites pour le saisir. Mais il avait eu le temps de se cacher, et réussit cette fois à se sauver. Lorsqu’il apprit le martyre de son cousin, sa ferveur redoubla, et, regrettant de n’avoir pas été martyr avec lui, il se dit : « Si je pratique ma religion publiquement, le mandarin en aura bientôt vent, et me fera saisir.» Il se mit donc à faire ses prières et exercices de dévotion au milieu des païens, soit le jour, soit la nuit, pendant plusieurs années ; il alla même s’installer sur le grand chemin. Les satellites le savaient et quelquefois même le voyaient, néanmoins il ne fut pas inquiété.

Ayant appris l’entrée du P. Tsiou en Corée, il alla de suite le trouver et témoigna le désir de recevoir les sacrements. Le prêtre lui dit : « Tout homme qui a deux femmes est rejeté par l’Église, sors de suite et ne te représente plus devant moi. » Jacques sortit et, pendant trois jours et trois nuits, il ne fit que pleurer et gémir sans vouloir prendre de nourriture. On alla avertir le prêtre qui permit de le laisser entrer, et lui dit : « Aussitôt après ton retour chasseras-tu ta concubine ? Sur ta promesse formelle je pourrai te donner les sacrements ; sinon, tu ne pourras plus même me voir. » Jacques répondit : « En vérité, j’ignorais qu’il fût défendu par la loi chrétienne d’avoir femme et concubine ; vos ordres me le faisant connaître, je promets de chasser de suite, à mon retour, ma concubine ; veuillez m’accorder les sacrements. » Il les reçut, et de retour chez lui, il dit à cette femme : « Un chrétien ne peut pas avoir de concubine,