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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/342

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l’homme. Ils disent que les biens et les femmes peuvent être mis en commun, et que les supplices et la mort ne doivent pas être redoutés. Toutes leurs paroles sont fourbes, désordonnées et impudentes ; les saints doivent les rejeter, et le peuple les repousser. Malgré cela, l’accusé a reçu le baptême, a acheté ces livres, les a apportés d’une distance de dix mille lys, les a répandus parmi ses parents et alliés, à la capitale et en province, au près et au loin. C’est encore peu. Il a communiqué avec les étrangers et s’est lié avec eux ; il a ourdi avec Iou-i-ri (Paul Ioun) de mauvais et secrets complots, et s’est uni dans de coupables démarches avec Iak-tsiong (Augustin). Quand le roi eut fait afficher la loi, l’accusé vit comme dans un miroir les mauvais génies qui le dirigeaient ; il fit au dehors semblant de changer, mais au dedans son cœur continua d’être perdu et aveuglé. Dans cette clique fourbe et cette race dégoûtante des chrétiens, il n’est personne qui ne l’ait regardé comme chef de religion, et ne l’ait appelé père. Comment, après de telles fautes, pourrait-il être supporté entre le ciel et la terre ? Toutes les preuves sont révélées, tous ses crimes ont paru au grand jour ; la loi du ciel brille avec éclat, la loi du roi est justement sévère. Je le reconnais. » Ces trois derniers mots, qui se retrouvent à la fin de toutes les pièces analogues, sont la formule habituelle d’acquiescement, que l’on fait signer de gré ou de force à tous les condamnés.

La mort de Seng-houn-i fut plus triste encore que celle de Ni Ka-hoan-i. Jamais peut-être, plus belle et plus facile occasion de se repentir n’avait été offerte à un pécheur. Chrétien ou non, il lui fallait mourir ; l’apostasie même ne pouvait lui sauver la vie, tandis qu’un simple acte de retour à Dieu pouvait changer en triomphe ce supplice inévitable. Mais ses défections, ses lâchetés réitérées et persistantes semblent avoir lassé la patience de Dieu, et il expira sans rétracter son apostasie, sans donner le moindre signe de contrition. Lui, le premier baptisé ; lui, qui avait apporté à ses compatriotes le baptême et l’Évangile, marcha à la mort avec les martyrs et ne fut pas martyr ; il eut la tête tranchée comme chrétien et mourut en renégat. Ô mon Dieu, que vos jugements sont justes et terribles !

Cette mort épouvantable consterna les païens eux-mêmes. Le corps de Seng-houn-i, ayant été après trois jours reporté dans sa maison, personne n’osa y aller faire les visites habituelles de condoléance. Seul, un de ses parents et amis, Sim-iou, s’y rendit vêtu de deuil, mais sa conduite excita les murmures du peuple.