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bonheur, puis, élevant la voix de manière à être entendu de tout le peuple, il s’écria : « Le Seigneur suprême du ciel, de la terre, et de toutes choses, existant par lui-même et infiniment adorable, vous a créés et vous conserve. Tous vous devez vous convertir à votre premier principe ; n’en faites pas follement un sujet de mépris et de raillerie. Ce que vous regardez comme une honte et un opprobre sera bientôt pour moi le sujet d’une gloire éternelle. » On l’interrompit en l’avertissant de mettre sa tête sur le billot ; il se plaça de manière à voir le ciel, disant : « Il vaut mieux mourir en regardant le ciel, qu’en regardant la terre. » Le bourreau tremblait et n’osait frapper ; mais enfin la crainte du châtiment l’emportant sur l’admiration, d’une main mal assurée il donna un premier coup de sabre. La tête n’était tranchée qu’à moitié, Augustin se redressa, fit ostensiblement un grand signe de croix, et se replaça paisiblement dans sa première posture pour recevoir le coup mortel.

Ainsi mourut, à l’âge de quarante-deux ans, l’un des hommes les plus remarquables et l’un des plus grands martyrs que la religion chrétienne ait comptés dans ce pays. Son corps fut recueilli avec soin, et on l’emporta dans la ville où résidait sa famille pour lui donner la sépulture. Ses parents et alliés, tant païens que chrétiens, affirment que plusieurs guérisons miraculeuses ont eu lieu sur son tombeau. Augustin avait été accusé du crime de rébellion ; tous ses biens furent, en conséquence, confisqués par un ordre spécial du gouvernement. Il est probable que ses ennemis voulurent par là empêcher à tout jamais la réhabilitation de sa famille, et lui rendre la vengeance impossible.

Le même jour, 26 de la deuxième lune, une autre sentence de mort avait été portée. C’était celle de Louis de Gonzague Ni Tan-ouen-i, l’apôtre du Nai-po. Après son apostasie, en 1791, touché d’un sincère repentir, il avait repris avec ferveur ses pratiques religieuses. Il put voir le P. Tsiou, et même demeurer quelque temps auprès de lui. Le prêtre lui répétait souvent : « Après avoir commis tant de fautes, après avoir administré les sacrements sans autorité, après avoir scandalisé les fidèles par ton apostasie, comment pourrais-tu faire assez pénitence ? Le martyre seul pourra te faire pardonner. » Aussi Louis pensait-il sans cesse à s’y préparer. Arrêté par ordre du gouverneur de la province, vers la fin de l’année 1795, il eut à souffrir de cruels supplices, mais il ne faiblit pas et fut renvoyé à T’ien-an, sa ville natale, pour y être mis au rang des fustigateurs. Ce châtiment, fréquent en Corée, est très-honteux pour une