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personne de condition honnête ; mais le mandarin ne fit pas exercer à Louis cette vile fonction, et se contenta de le placer sous caution chez un particulier. Il resta ainsi sous la surveillance de la police pendant six ans environ, jusqu’au moment où l’on reprit son procès en 1801.

L’ordre avait été donné de le mettre à la question, le 1er et le 15 de chaque mois. Il est probable toutefois que les prétoriens ne firent pas trop souffrir un homme qui avait conquis leur estime, et s’était dévoué à l’éducation de leurs enfants. Louis demeura ferme pendant cette longue épreuve. Il pratiqua constamment sa religion au vu et su de tout le monde, et, par ses paroles aussi bien que par ses exemples, fit un grand bien dans le pays. Ayant obtenu un jour la permission d’aller visiter sa famille à Ie-sa-ol, il s’y informa de l’état de la religion. Il apprit alors que, cédant à la crainte, les chrétiens avaient réuni et brûlé sur la place publique du village tous leurs livres de religion. À cette nouvelle, il ne put retenir ses larmes, et le cœur rempli d’amertume, il demanda si aucun volume n’avait échappé à l’incendie. On lui en apporta deux, enlevés secrètement.

Lorsque, après la mort du roi, la persécution redoubla de rigueur, Louis fut transféré d’abord à Tsieng-tsiou pour y subir la question, puis à la capitale, où il fut condamné à mort avec Jean T’soi, Augustin Tieng et leurs compagnons. Afin d’effrayer les populations, le gouvernement donna ordre de l’exécuter à Kong-tsiou, chef-lieu de la province où il avait, pendant longtemps, prêché l’Évangile. C’est là qu’il fut décapité, deux jours après les martyrs de la capitale, le 28 de la deuxième lune (10 avril 1801). Sa tête ne tomba, dit-on, qu’au sixième coup de sabre. Louis avait alors plus de cinquante ans. Quelques-uns de ses parents avaient assisté à l’exécution, mais ce ne fut que plusieurs jours après, qu’ils purent recouvrer ses précieux restes et les transporter dans le tombeau de sa famille. On assure qu’au moment où ils recueillirent le corps, la tête se trouva solidement attachée au cou, sans autre trace du supplice qu’une cicatrice circulaire, qui ressemblait à un fil blanchâtre.

Louis de Gonzague Ni Tan-ouen-i, malgré sa faiblesse lors de la première persécution, est, sans contredit, l’un de ceux qui ont le plus travaillé à la propagation de l’Évangile en Corée. Une grande partie de nos chrétiens d’aujourd’hui sont les descendants de ceux qu’il convertit alors. Aussi sa mémoire est-elle en vénération dans le Nai-po et les districts voisins. Par une coïncidence