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mine chétive de Pierre venir facilement à bout de son obstination, le fit enfermer très-étroitement. Puis, à chaque interrogatoire, il ne manqua pas de le faire frapper plus longtemps et plus violemment que les autres chrétiens. Mais tout fut inutile, et Pierre, protégé par son humble contrition, aussi bien que par la grâce divine, demeura inébranlable.

Le même mandarin avait fait arrêter aussi le beau-père de Jean Ouen, Marcellin T’soi Tsiong-tsiou, vulgairement nommé le-tsiong-i. C’était un noble du district de Nie-tsiou, qui pratiquait la religion avec toute sa famille. En 1791, il avait échappé à la persécution par l’apostasie. Mais, depuis lors, il ne cessa de faire pénitence de sa faute, et de demandera Dieu la grâce de la laver dans son propre sang. Lorsque les premiers bruits de persécution s’élevèrent, il répondit en riant à sa femme qui l’exhortait à fuir : « Sois tranquille, quand je ne serai plus, tu vivras tout de même. » Sa mère lui fit aussi de vives instances, et par respect pour ses ordres, il quitta la maison et partit pour la capitale. Mais à peine en route, il changea de résolution et revint chez lui. Ce soir-là même, les satellites envoyés de Nie-tsiou le saisirent et le traînèrent au tribunal. « De qui as-tu appris la religion, lui demanda le mandarin, et quels sont tes complices ? Dénonce tout. — La religion, répondit Marcellin, me défend de nuire à qui que ce soit. Je n’ai rien à déclarer. » Le mandarin le fit mettre à la question, lui fit donner la bastonnade, et enfin voyant, qu’il restait ferme dans sa foi, le fit jeter dans la même prison où étaient déjà son gendre Jean Ouen, Martin Ni, les quelques confesseurs dont nous venons de parler, et un assez grand nombre d’autres chrétiens.

Pendant plus de six mois, les prisonniers eurent à comparaître, une fois tous les quinze jours, devant le mandarin, pour y être interrogés et subir des tortures de plus en plus cruelles. On assure que le corps de Jean Ouen, mis en lambeaux par ces exécutions réitérées, fut à diverses reprises miraculeusement guéri. La famille de Jean tenta plusieurs fois de l’ébranler, et une vieille esclave venait souvent lui faire la plus triste peinture de la désolation de sa mère et de sa femme. Un jour qu’il paraissait plus ému que de coutume à ces récits, Martin Ni vint à son aide, et lança de travers à la vieille un regard si terrible, qu’elle s’enfuit épouvantée et n’osa plus revenir.

Martin, de son côté, eut à subir une tentation redoutable. Son vieux père vint, tout en larmes, le trouver dans sa prison et, lui prenant la main, lui dit : « Veux-tu donc mourir et abandonner