Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant la vie et au moment de la mort, les voilà sans aucun soutien ; aussi leur cœur faiblit, leurs idées sont toutes bouleversées, et ils ne savent plus que devenir. Nous leur disons bien, pour les consoler, que le prêtre étant venu dans le seul but de sauver les âmes, désirait sans doute se répandre partout et les sauver toutes, mais que de grands empêchements s’étant rencontrés, il a dû comprimer son affection pour eux, et ne pas la laisser se produire au dehors ; que maintenant qu’il a été martyrisé et se trouve près de Dieu, sa protection devra avoir plus de force que lorsqu’il était sur la terre ; que nous devons avoir pleine confiance en Dieu, espérer plus que par le passé dans sa miséricorde infinie, et ne pas nous laisser aller à des tentations de désespoir. Quelques-uns nous croient, d’autres sont dans le doute ; les uns sont rebutés, les autres semblent un peu consolés ; jamais en aucun temps se trouva-t-il une aussi terrible position ?

« En Europe, les anciennes persécutions ont bien pu être plus violentes que celle de Corée, mais les prêtres s’y étant succédé sans interruption, la religion n’a pas pu être anéantie, et les âmes ont toujours trouvé leur salut. Ici, en Corée, la situation est toute différente, et nous ne pouvons avoir le même espoir. Que de faibles agneaux perdent leur berger, il reste des moyens de les nourrir et de les élever ; qu’un enfant à la mamelle perde sa mère, il y a encore espoir de le voir survivre ; pour nous, nous avons beau y réfléchir, vraiment aucun espoir de vie ne nous reste. Nés dans un pays reculé, et heureusement devenus les enfants de Dieu, nous avions la ferme pensée de consacrer toutes nos forces à faire glorifier son saint nom, nous voulions essayer par là de payer du moins la dix-millième partie de ses bienfaits ; qui aurait pu penser qu’à mi-route nous tomberions dans un aussi triste état ?

« Nous avons bien entendu dire que le sang versé des martyrs est une semence de chrétiens, mais notre royaume a malheureusement pour voisin, à l’est, le Japon qui, par ses cruelles exécutions, a anéanti la religion, et les projets de notre gouvernement sont de le prendre pour modèle. Comment ne serions-nous pas dans l’alarme ? Il est vrai qu’en Corée, les hommes étant naturellement faibles, et la législation moins rigide, on ne voudra pas y aller aussi violemment qu’au Japon ; mais aujourd’hui, parmi nous, il ne reste pour ainsi dire plus aucun homme capable et ferme. Les ignorants, les gens de basse condition, les femmes et les enfants peuvent bien y être encore au nombre de plusieurs milliers, mais personne pour les diriger, personne pour les instruire, comment pourraient-ils se conserver longtemps ? N’y eût--