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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/422

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il plus de persécution, qu’avant dix ans, la chrétienté sera d’elle-même réduite à néant[1]. Quelle douleur ! Mais tant que nous serons en vie, comment pourrions-nous voir ainsi la ruine complète de la Religion ?

« Ayant échappé aux malheurs de cette année, nous en sommes encore tout émus et tremblants, et tout en rendant grâces à Dieu pour le bienfait qui nous a conservé la vie, nous sommes attristés de n’avoir pas, comme nos frères, été jugés dignes du martyre. Au moins, pendant ce reste de notre existence, nous désirons vraiment supporter toutes les peines et braver toutes les difficultés pour servir la cause de Dieu, mais non-seulement nos expédients sont à bout, nos ressources aussi sont épuisées. Faut-il donc que notre désolation nous accompagne dans la tombe ! Au milieu de tous ces malheurs, qui aura pitié de nous ? qui nous consolera ? Nous voudrions bien aller déposer nos pleurs et nos demandes aux pieds de votre bonté, mais empêchés par la distance, nous ne pouvons faire que des vœux et rien de plus. Quelle tristesse ! quelle angoisse ! que deviendrons-nous ?

« Quand nous apprîmes que le prêtre s’était livré, outre le saisissement et la douleur causés par un aussi triste événement, nous avons conçu encore un sujet de crainte. Lorsqu’on connaîtra à Péking tout ce qui vient de se passer, ne sera-ce pas une cause d’abandon pour notre Église ? S’il en était ainsi, aucune espérance ne resterait pour la religion en Corée. C’est ce danger imminent, et non point notre péril personnel, qui fait jour et nuit le sujet de nos craintes et inquiétudes. Si, par bonheur, on ne fait pas de perquisitions ultérieures, nous autres étant encore en vie, et Jean[2] aussi ayant été conservé, comme vous resterez sans doute chargé de la Corée, nous ferons tous nos efforts pour rétablir les relations avec vous, et par là avoir part aux bienfaits de Dieu ; daignez donc écouter nos paroles et y réfléchir profondément.

« La Corée est le plus pauvre des royaumes du monde, et les chrétiens y sont les plus pauvres de tous. Parmi eux, c’est à

  1. Le gouvernement coréen comprenait parfaitement la vérité de ces considérations ; aussi, comme le fait remarquer Alexandre dans un autre endroit de cette lettre, chercha-t-il toujours à mettre à mort les chrétiens de haute classe, les hommes qui s’étaient livrés à l’étude des lettres ou de la philosophie, tous ceux, en un mot, qui auraient pu diriger les affaires en l’absence du prêtre. Quant aux ignorants et aux gens du peuple, au contraire, la tactique était de les laisser de côté, autant que possible, ou bien, si on les arrêtait, de les traiter en général avec beaucoup moins de rigueur.
  2. Probablement Jean T’soi.