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persécutions et de vexations sans nombre ; et malheureusement, de nos jours, diverses interventions avortées n’ont servi qu’à confirmer les craintes jalouses du gouvernement, et à faire couler, plus abondants que jamais, les flots de sang chrétien.


Pendant que le tribunal suprême instruisait le procès d’Alexandre Hoang et de ses compagnons, arriva l’époque du départ de l’ambassade annuelle pour Péking. Les événements qui venaient d’avoir lieu étaient trop considérables, les exécutions de grands personnages avaient été trop nombreuses, pour qu’il fût possible de les passer entièrement sous silence. Il fallait aussi mentionner et excuser la sentence de mort portée et exécutée contre un sujet chinois, à l’insu de l’Empereur. Les artifices et les mensonges habituels de la diplomatie vinrent en aide à la régente, pour donner aux faits la couleur voulue. Voici le texte de la lettre écrite au nom du jeune roi, et datée de la sixième année de Kia-king, le 20 de la dixième lune (25 novembre 1801)[1].

« Le roi de Tchao-hien (Corée) expose respectueusement à Sa Majesté Impériale, l’origine et la fin des troubles, que le petit royaume[2] a eu le malheur d’éprouver de la part d’une secte de brigands, dont il a fait justice en les mettant à mort.

« Sa Majesté Impériale sait que depuis le jour où les débris de l’armée des Yn[3] ont passé à l’Orient, le petit royaume s’est toujours distingué par son exactitude à remplir tout ce que prescrivent les rites, la justice et la loyauté, et en général par sa fidélité aux devoirs. C’est une justice que lui a toujours rendue la cour du Milieu (la cour de Chine). Ce royaume, qui a toujours conservé la pureté de ses mœurs, n’estime rien tant que la doctrine des Iou (la doctrine des lettrés). Tous les livres

  1. Cette lettre ayant été écrite en chinois, les noms propres de personnes ou de lieux s’y trouvent avec la prononciation chinoise, très-différente de la prononciation coréenne, à ce point que plusieurs noms sont tout à fait méconnaissables. Nous avons mis entre parenthèses la prononciation coréenne pour les plus importants.
  2. « Petit royaume » signifie ici « mon royaume, » la politesse voulant qu’un inférieur appelle petit tout ce qui le regarde, lorsqu’il parle à son supérieur.
  3. Ky-sse (Kei-tsa), que les historiens chinois et coréens regardent comme le fondateur ou le législateur de la Corée, avait été exilé par son neveu l’empereur Tcheou-ouang, le Néron de la Chine, qui ne voyait en cet oncle sage qu’un censeur de ses crimes. Mais Ou-ouang ayant délivré l’empire de son tyran et mis fin à la dynastie des Yn, rappela Ky-sse de l’exil, rétablit roi de Corée, où le nouveau souverain se rendit, l’an 1122 avant Jésus-Christ, avec le reste des troupes qui avaient servi la dynastie des Yn. C’est à ce trait d’histoire que fait ici allusion le roi de Corée.