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d’intelligence. Nous sommes bien éloignés d’avoir les talents des autres peuples ; les choses les plus nécessaires pour se procurer la subsistance, tels que les instruments d’agriculture et de tissage, ne valent rien ; notre pauvreté est extraordinaire. Ni les nobles, ni le peuple n’ont de ressources assurées qui puissent leur procurer de quoi se nourrir et se vêtir lorsque, par suite des sécheresses ou des inondations, survient une année de famine. Quant aux chrétiens, à cause de la persécution, ils courent en confusion tantôt à l’orient, tantôt à l’occident ; ils ne peuvent demeurer en paix nulle part, ni profiter des ressources telles quelles qu’ils auraient d’ailleurs pour subsister. Aussi, sont-ils presque tous réduits à l’état de mendicité. Ordinairement l’âme gouverne le corps, et le corps aide l’âme ; cette corrélation est naturelle. Mais maintenant, nos corps manquent des moyens nécessaires pour conserver la vie, nos âmes manquent des remèdes indispensables pour ranimer les vertus. Ceux qui étaient instruits et avaient le don de la parole, sont tous morts dans la persécution, et il ne s’en est pas converti d’autres capables de les remplacer. Il n’y a plus que des femmes, des enfants, et des hommes si ignorants qu’ils ne savent pas distinguer les deux lettres lou et you[1]. Quelque grand que soit le nombre des chrétiens, ils ne sont pas suffisamment instruits ; ils savent qu’il y a un Dieu, une âme, une récompense et un châtiment ; pour les autres articles de religion, ils ne les connaissent guère ; ils ne peuvent ni les enseigner, ni les expliquer. D’ailleurs, ils sont retenus par la crainte de la persécution et le respect humain. Tourmentés par la faim et le froid, accablés de travaux, ils ne peuvent s’aider les uns les autres ; ils sont dispersés comme des brebis qui ont perdu leur pasteur, ils ont fui de tous côtés, ils ne peuvent se réunir pour les exercices de la religion, mais tous espèrent que le Seigneur aura pitié d’eux et ne les abandonnera pas.

« 6o Nous avons entendu dire qu’en règle générale quand il y a plus de mille chrétiens dans un endroit, on doit y envoyer un prêtre, et que quand il y en a plus de dix mille, on doit y envoyer un évêque. Il est vrai que nous sommes peu instruits de la religion ; nous savons seulement jeûner et réciter des prières, et, en vérité, nous sommes indignes d’être appelés chrétiens. Cependant nous sommes plus de dix mille qui connaissons Dieu, et nous n’avons pas encore obtenu d’être gouvernés par un évêque. Nous

  1. Expression proverbiale pour signifier une grande ignorance, car il est très-facile de distinguer ces deux lettres d’une de l’autre.